L'école puis le collège St Pierre jusqu'alors plutôt
fréquenté par des fils de familles cathos, a vu grossir ses rangs par
les demandes d'inscription des parents moins imprégnés par le fait religieux,
voire anticléricaux, mais attirés par la potentielle réussite de leur
chérubin qui avait tendance à s'enliser dans le système scolaire laïque
à l'image du CES de Kériguel.
La main sur le cœur, ces parents juraient de la pureté de leurs intentions
: mettre à l'abri de l'échec scolaire leur progéniture. Cette louable
intention était néanmoins contaminée par l'orgueil : comment avouer aux
voisins, aux amis, à la famille qu'un cancre, un futur chômeur, un futur
bon à rien, peut-être même un hippie, ait pu naître dans un honorable
foyer laborieux aux mœurs respectables ?
En toile de fond, l'arsenal de Brest (en cours de « rétrécissement »)
pourvoyeur d'emplois méritants pour les fils de famille n'ayant pas de
vocation première. Entrer à l'arsenal et ses périphéries était le saint
Graal, encore fallait-il ne pas être un âne pathologique.
Les parents ont sous-traité leur devoir d'éducation à des enseignants
non formés et violents pour éviter de se confronter à une autorité dont
ils avaient peine à cerner les limites. Des doutes émanaient de leurs
affects, alors confier le destin du fils à des professionnels en réussite
de surcroît pétris de rigueur morale, on avait tôt fait d'oublier la prégnance
religieuse dévoyée qui devenait accessoire au regard des enjeux.
Les parents ont trouvé une solution de facilité à une époque ou le châtiment
corporel était un usage méritant non condamnable. La gifle qui ramenait
les idées en place, le coup sur la tête pour faire rentrer une matière
scolaire, tout cela n'était pas condamné. Si des familles socialement
aisées confiaient leurs fils au collège St Pierre, le foyer du français
moyen y voyait une sorte de fréquentation mondaine bien pensante. Le fils
de Mr et Mme Toutlemonde allait être en contact avec le fils de l'avocat,
du notaire, de l'architecte... Le beau linge faisait rêver. Financièrement
des bourses étaient attribuées, une mane très appréciée de la direction
du collège qui en profita pour œuvrer dans le détournement de fonds
publics.
Cette violence prétendument formatrice était connue de tous les habitants,
on en parlait dans la région. Les commérages, les plaisanteries sur les
bonnes raclées utiles à l'éducation étaient aux comptoirs des bistrots,
aux repas de famille. Les rires des adultes adeptes de cet art des sévices
glorifiaient la méthode ancestrale. Aujourd'hui, la violence fait horreur
mais à l'époque, le dressage à la dure était un summum indiscutable. D'ailleurs
on ne parlait pas du collège St Pierre, on disait « Chez suivi du patronyme
du directeur », comme on parle d'une maison de bonne réputation. La réputation
d'excellence grisait. Les élèves savaient où ils étaient, pourquoi ils
y étaient et ce que l'on attendait d'eux de gré ou de force...
Quand un fils larmoyait dans les jupes de sa mère, soit qu'il n'était
pas cru, ou qu'il donnait de la disproportion à une punition légitime
du fait de la faiblesse des résultats. Tout était fait pour le bien d'un
enfant qu'on ne voulait pas voir fragilisé. Comment osait-il se plaindre
ce garnement décidément égoïste avec tous les sacrifices consentis pour
payer une année scolaire ? Si les enseignants du collège ont connu l'ivresse
de la violence, les parents ont connu l'ivresse de la réputation. Avoir
un fils qui réussit était une fierté familiale, une récompense au paraître
dans la commune. Point de moquerie à prévoir dans le voisinage, rien que
des éloges, cela valait bien quelques dépenses et quelques taloches...
Les parents ont confiés leurs enfants les yeux fermés à une institution
cruelle mais établie. Pas question d'ouvrir les yeux, admettre que ce
choix était une erreur sonnait une forme d'indignité pour des parents
épris des apparences flatteuses... Un père, une mère ne pouvaient commettre
l'irréparable, le bon droit prévalait. Des enfants jusqu'au sang pour
le bien-être de l'orgueil parental... L'aveuglement des parents est assassin...
Des gifles sans visage distribuées aux élèves du collège poubelle de la
dernière chance, les parents savaient. Des gifles portées au visage de
leur fils, ils ne voulaient pas savoir, refusaient de l'imaginer. Le devoir
de la réussite occultait la prise de conscience des risques encourus pour
la santé mentale et physique de leur fils. Ils voyaient loin, il fallait
regarder de près. La plupart des parents défunts depuis, sont morts dans
la quiétude de la bonne conscience parce que leur fils n'a rien dit. Quant
à ceux en vie encore en 2025, année de la grande révélation des violences
systémiques, nombreux sont ceux qui se demandent de quoi se plaint-on
? Ils s'étaient sacrifiés pour l'avenir de leur fils, que demander de
plus à des parents irréprochables ? Un petit remerciement ne serait pas
de refus...
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Si la plupart des parents dans les années 50-60-70 ne frappaient pas leurs
enfants ou de manière très sporadique par le biais de la célèbre fessée,
certains pères y allaient du ceinturon, certaines mères du coup de torchon,
copieusement, assidument... Alors les baffes scolaires n'étaient qu'une
judicieuse continuité.
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Il serait injuste d'affirmer qu'aucun parent ne serait plaint des traitements
subis par leur enfant. Quelle fut la proportion des parents avertis qui
ont signifié leur réprobation ? Coups de téléphone, lettres... Mais que
faire de plus face à une institution religieuse opaque et condescendante
armée d'un crucifix. Aucune plainte n'a abouti véritablement puisque le
rectorat n'a pas donné suite à ses décisions rectificatives... Que sont
devenus les enfants dont les parents s'étaient manifestés, ont-ils été
retirés de l'établissement ? Sont-ils restés sur place ? Les a-t-on épargné
le reste de l'année scolaire ?... Il est sans doute trop tard pour cerner
l'exact contribution des parents aux
dérives de l'enseignement catholique.

Le collège
Fondateur de l'école St Pierre • L'histoire du collège St Pierre • Le directeur • Sous-directeur • Le recrutement • Les professeurs • La mixité • Le silence des élèves • Le plaisir dans la violence • Le directeur des collèges • Responsabilités des parents • Témoignage • Victimes
Institution religieuse
Communiqué de presse • Dissimulations des autorités religieuses • Déclarations imprudentes • Les institutions savaient • Direction de l’Enseignement catholique • Autonomie de l'enseignement privé • L'Eglise pardonne
Le contexte
Mai 1968 • L'histoire du Relecq-Kerhuon • Le CES insatisfaisant • Palmes académiques • La presse muette • Avis maladroits
La législation
Déccret 1887 • Loi 1959 • Décret 2025 • Le parquet de Brest • Les suites judiciaires attendues • L'anonymat obligé • L'audition par la commission d'enquête • Les établissements coupables